En avril 1960, le gouvernement britannique décida de renoncer à construire l'IRBM Blue Streak, à l'étude depuis 1955. La mise au point de cet engin étant presque achevée, il fut envisagé de l'utiliser comme premier étage d'un lanceur de satellite. Les Britanniques proposèrent alors aux pays européens de construire en collaboration une fusée à trois étages, capable de satelliser une charge utile d'une tonne en orbite basse.
Le 29 mars 1962, l'ELDO (European Launcher Development Organization) vit le jour à Londres. Cette convention, qui ne fut effectivement signée qu'en 1964, regroupait l'Allemagne, la Belgique, la France, l'Italie, les Pays Bas et le Royaume Uni, avec l'Australie comme membre associé. Les travaux devaient être répartis de la façon suivante : le Royaume Uni fournirait le premier étage, la France construirait le deuxième et l'Allemagne le troisième étage. Les satellites expérimentaux seraient élaborés en Italie, la Belgique et les Pays Bas se chargeraient des télémesures et des télécommandes, enfin, les tirs auraient lieu à Woomera, en Australie.
Le Programme Europa-1
Le lanceur triétage, nommé ELDO-A puis Europa-1, devait mesurer 31.7 m de haut et peser plus de 110 tonnes. Il aurait dû être opérationnel en 1966 et pouvoir satelliser une charge de 1000 à 1200 kg sur une orbite à 500 km d'altitude.
Le premier étage, Blue Streak construit par Hawker Siddeley Dynamics, mesurait 18.4 m de haut pour 3.05 m de diamètre et pesait 95 t dont 89 t de propergols (LOX et kérosène). Il était équipé de deux moteurs Rolls-Royce RZ-2 de 667 kN chacun au sol (760 kN, ISp = 285 sec dans le vide), fonctionnant pendant 160 secondes. Le deuxième étage Coralie était réalisé par le LRBA et Nord Aviation. Il mesurait 5.50 m de long pour 2 m de diamètre, pesait 12 t et emportait 9.85 t d'ergols stockables (NTO et UDMH). Son moteur à quatre tuyères développait 268 kN (ISp = 280 sec) pendant 103 secondes. Le troisième étage, construit par MBB et ERNO, présentait le même diamètre et mesurait 3.81 m de long. Il pesait 4 t dont 2.94 t d'ergols stockables (NTO et Az50). Sa propulsion était assurée par un moteur principal et deux moteurs-verniers assurant une poussée totale de 23 kN (ISp = 290 sec) pendant 361 secondes.
Essais 1964-1966
Le programme d'essais comprenait des tirs F avec un premier étage Blue Streak, et des tirs G d'engins Cora à premier étage Coralie. Les trois premiers tirs, F1 à F3, réalisés entre juin 1964 et mars 1965 depuis Woomera, furent tous des succès. Les tirs F4 et F5, pour lesquels le premier étage était surmonté de maquettes des étages supérieurs furent également réussis en mai et novembre 1966. Quelques jours plus tard, à Hammaguir, le premier vol de type G échoua, le second par contre fut réussi en décembre 1966.
Cependant, le programme avait pris un retard important et le devis, établi en 1961, était largement dépassé. De plus, les missions que l'on souhaitait confier à un lanceur européen avaient évolué; le programme fut donc réorienté au cours de l'été 1966. Outre une redistribution des participations financières, il fut décidé de transformer Europa-1 en un lanceur quadriétage capable de placer un satellite en orbite de transfert géostationnaire et d'utiliser pour cela une basse de lancement équatoriale, en l'occurrence celle de Kourou, en Guyane française.
Essais 1967-1970
Le premier lancement (F6) d'une fusée Europa à deux étages actifs, en août 1967, se solda par un échec dû au 2° étage Coralie. Le tir Cora G3 - dernier de la série car les essais G4 à G6 avaient été annulés - échoua également en octobre, de même que l'essai F6-2 en décembre.
L'étage Coralie fonctionna correctement en 1968 et 1969 (tirs F7 et F8), lors des deux premiers essais d'une Europa-1 complète, mais Astriss s'éteignit prématurément, causant la perte des satellites expérimentaux. En 1970, lors du vol F9, les trois étages fonctionnèrent correctement, mais le tir se solda par un nouvel échec, la coiffe n'ayant pas pu être larguée.
Après huit ans de travaux, le programme Europa-1 prit fin sans qu'aucune satellisation n'ait pu être réussie.
Le programme Europa-2
Le nouveau lanceur comportait un étage de périgée, désigné PAS pour Perigee-Apogee System, de 1.83 m de long pour 0.80 m de diamètre. Il pesait 807 kg dont 687 kg de poudre Isolane, et son propulseur développait 41.2 kN pendant 45 secondes.
Le programme Europa-2 était financé à 90% par la France et l'Allemagne, le Royaume Uni et l'Italie ayant quitté le projet en 1969. La qualification du lanceur était envisagée avec deux tirs (F11 et F12), les deux tirs suivants devant satelliser les Symphonie 1 et 2.
En fait, Europa-2 fut tirée une seule fois, le 5 novembre 1971 depuis Kourou. Un défaut de fonctionnement de la centrale inertielle fut à l'origine d'un nouvel et dernier échec.
Le programme fut abandonné au profit du projet Europa-3, totalement nouveau et beaucoup plus ambitieux. Europa-3 ne vit jamais le jour, mais son premier étage servit de base à celui du lanceur européen Ariane.
Véhicules du programme Europa
Lancements d'Europa
# | Identification | Charge | Date | Site | Type | Commentaires |
---|---|---|---|---|---|---|
1 | n/a | 05 Jun 1964 | WOO | 1, 1 étage | Vol balistique | |
2 | n/a | 20 Oct 1964 | WOO | 1, 1 étage | Vol balistique | |
3 | n/a | 22 Mar 1965 | WOO | 1, 1 étage | Vol balistique | |
4 | n/a | Maquettes étages | 24 May 1966 | WOO | 1, 1 étage | Vol balistique |
5 | n/a | Maquettes étages | 15 Nov 1966 | WOO | 1, 1 étage | Vol balistique |
6 | n/a | Maquette étage 3 | 04 Aug 1967 | WOO | 1, 2 étages | Echec |
7 | n/a | Maquette étage 3 | 05 Dec 1967 | WOO | 1, 2 étages | Echec |
8 | n/a | Maquette satellite | 30 Nov 1968 | WOO | 1, 3 étages | Echec |
9 | n/a | Maquette satellite | 31 Jul 1969 | WOO | 1, 3 étages | Echec |
10 | n/a | Maquette satellite | 11 Jun 1970 | WOO | 1, 3 étages | Echec |
11 | n/a | Maquette satellite | 05 Nov 1971 | KRU | 2, 4 étages | Echec |